13/07/2014

Le 07 octobre 2023, cinquante ans et une journée exactement après le déclenchement de la  guerre israélo-arabe d’octobre 1973- un conflit de haute intensité ayant opposé pendant deux semaines et cinq jours une coalition de pays arabes à Israël-, les factions armées palestiniennes retranchées dans la bande assiégée de Gaza lancent une opération militaire  inhabituelle et parviennent pour la première fois à percer les défenses israéliennes.

Ce qui s’en suivit en cette journée historique du 07 octobre 2023 n’était ni concevable ni envisageable depuis la création d’Israël en 1948: les factions armées palestiniennes ont non seulement percé les défenses israéliennes mais adoptant des tactiques largement  inspirées du conflit en Ukraine, ont pu mener des raids à des dizaines de kilomètres de Gaza et conquérir un territoire bien plus grand que celui de la bande de Gaza.

Outre la débâcle du renseignement israélien, réputé jusqu’ici comme l’un des meilleurs au monde, les forces israéliennes et notamment les forces spéciales ont non seulement démontré au monde entier qu’elles n’ont rien appris des leçons de la guerre en Ukraine mais que leurs tactiques ne sont plus adaptées aux nouvelles formes de combat. Il aura fallu une journée de combats aux Israéliens avec une guérilla mal-equipée et dont les éléments se déplacent à bord de motocyclettes pour qu’ils demandent l’assistance et l’intervention directe des États-Unis d’Amérique. C’est la fin d’un des nombreux mythes du 20e siècle.

Photographie issue d’une vidéo diffusée par une fation armée palestinienne montrant la prise d’un poste militaire israélien.

Au choc des images amplifiés par Internet s’ajoute celui de l’échec technologique: les Israéliens comptaient trop sur les barrières électroniques, les dirigeables d’écoute, les caméras thermiques et de reconnaissance faciale, sur un réseau de surveillance généralisée qui aurait fait pâlir les partisans les plus zélés de l’ex-Stasi est-allemande et de la NSA américaine, sur les mitrailleuses robotisées, sur les capteurs de toutes sortes et par dessus tout des murailles de béton armé géantes et des systèmes de défense antiaérienne réputés au top de ce qui se fait de mieux dans le domaine. Tout cela fut balayé par un usage combiné de roquettes artisanales de 114 mm, des parapentes motorisés à faible signature radar, des drones civils MAVIC modifiés et des motocyclettes de faible cylindrée. À cela s’ajoute la détermination d’hommes conscients que le mythe d’invincibilité d’Israël n’était qu’un produit marketing vendu au monde par une puissante machine de propagande jusqu’à la nausée. Le réveil est terrible. À tel point que certains analystes et historiens militaires remettent en doute la narration des guerres d’Israël de 1948, 1956, 1967, 1973 et de 1982 en soulignant avec pertinence que cet État a toujours bénéficié d’un encadrement stratégique étranger ressemblant (et bien supérieur) à celui dont avait bénéficié l’Ukraine dans sa guerre avec la Russie.

Personne n’aurait parié sur une action d’éclat venant de ce que les dirigeants israéliens appellent le Front Sud, considéré comme le maillon le plus faible. L’aviation israélienne mène des raids aériens sur Gaza comme elle le fit durant des milliers de sorties lors des bras de fer précédents mais cela n’a aucune utilité militaire ou stratégique. Le massacre de civils sous les bombes ne fera qu’accentuer un problème sans cesse croissant.

Il aura donc fallu une brèche et une attaque menée par près de mille hommes prenant d’assaut les postes et bases militaires israéliennes situées dans la périphérie de la bande de Gaza pour que le mythe d’invincibilité d’Israël vole en éclats. Les images sont terribles. Elles préfigurent de l’avenir de cette région du monde qui sera fait de guerres, de déportations et d’exils forcés. Déterminisme historique ou pas, l’ancien président syrien Hafez Al-Assad a un jour prédit à Henry Kissinger lorsqu’il était à la tête du Département d’État la disparition d’une anomalie historique. À la vue des images de colons israéliens emmenés en otage vers la bande de Gaza, il est évident qu’il n’y a aucun avenir pour les colonies où des gens vivent dans une disonnance cognitive sévère faisant fi du réel dans lequel ils s’efforcent de mener une vie artificielle et de croire à une narration du réel niant le désespoir d’une autre population enfermée dans un pénitencier géant assiégé et sous blocus total depuis des années.

L’Armada US est en route et les ponts aériens acheminant des armes et des munitions comme en 1973 sont déjà mis en place pour un bras de fer à Gaza et non pas avec le Hezbollah libanais, lequel dispose de moyens autrement plus redoutables que les très maigres moyens à la disposition du Hamas palestinien et du Djihad islamique à Gaza.

L’USS Gerald R.Ford (CVN-78) et son groupe aéronaval sont en route vers la Mediterannée orientale.

Cela illustre la faiblesse inhérente de la stratégie israélienne plus orientée à anéantir l’environnement géostratégique éloigné (Irak, Syrie, Libye, Soudan, Iran, etc.) alors qu’elle a œuvré à créer un monstre à l’intérieur de sa forteresse. Les calculs de Netanyahou qui ont poussé vers ce scénario après l’effondrement du systeme politique israélien et la crise existentielle du sionisme en tant qu’ idéologie ont aboutis vers des résultats inattendus. Jamais l’armée israélienne n’a subi autant d’humiliations, ce qui n’est pas à déplaire a un Premier ministre qui a eu maille à partir avec sa propre opinion et l’appareil sécuritaire mais l’effet a dépassé le cadre cosmétique et le bilan des pertes dépasse toutes les lignes rouges sauvegardées jusqu’ici.

Indubitablement, une entrée en action du Hezbollah libanais dans le cadre d’une réactivation du Front Nord, entraînera systématiquement la Syrie et l’Iran, deux pays qui sont déjà en guerre avec Washington et leurs alliés. Israël est incapable de se défendre tout seul contre le Hamas même après la mobilisation de 100 000 hommes dans le Sud et ce seront les États-Unis qui devront entrer dans un choc frontal avec l’Iran et le Hezbollah. Cela nécessitera un désengagement de l’OTAN de l’Ukraine au grand bénéfice de la Russie. Ce qui signifiera la fin de l’Ukraine. C’est le plus grand dilemme de la guerre hybride mondiale en cours et non des moindres. La fin d’un mythe est toujours un processus difficile. Le monde change. Les lignes de ruptures également. L’effet de surprise que certains croyaient disparu en raison des satellites orbitaux (dont l’efficacité lors de la guerre en Ukraine a avoisiné le zéro) continuera d’être un élément clé de la stratégie.