par Larry Johnson
Le coup d’État de la semaine dernière au Niger incite l’Europe et les États-Unis à revenir sur leur insistance sur le fait que l’ordre international fondé sur des règles exige qu’aucun pays n’envahisse un autre pays à moins qu’il ne soit attaqué par ce dernier. (Bien sûr, l’Occident a ignoré cette «règle» en Irak, en Afghanistan, en Libye et dans les Balkans, mais la cohérence n’est pas le fort de Washington, de Londres ou de Paris). Jusqu’à présent, l’hypocrisie de l’Occident a été mise en sourdine lorsqu’il a condamné l’invasion «illégale» de l’Ukraine par la Russie. Cela est sur le point de changer. Contrairement à la Russie, qui a regardé l’Ukraine bombarder et assassiner des Ukrainiens russophones pendant neuf ans, le Niger n’a pas attaqué de citoyens américains ou européens. Non. Il a simplement pris l’initiative audacieuse d’affirmer son contrôle sur l’uranium extrait au Niger. Il ne faudrait pas que les esclaves de la plantation occidentale s’insurgent et commencent à agir comme s’ils avaient des droits, n’est-ce pas ?
La réaction occidentale est prévisible : les étrangers blancs sont évacués tandis que les États-Unis et la France seraient en train de préparer une opération militaire pour détrôner les auteurs du coup d’État. Pour jeter de l’huile sur le feu, les nouveaux chefs militaires du Niger auraient fermé une base militaire américaine abritant une flotte de drones. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), avec le Nigeria en tête, a sauté sur l’occasion pour faire le travail de l’Occident. La CEDEAO menace le Niger, également membre de la CEDEAO, d’une action militaire.
Les nouveaux chefs militaires nigériens ne voient pas cela d’un bon œil :
«Chef rebelle : Le Niger ne cédera pas à la pression et ne rétablira pas Bazoum à la présidence.
Abdurrahman Tchiani a également déclaré que personne ne menaçait les citoyens français dans la république et qu’il n’y avait aucune raison de les évacuer.
Le Niger ne succombera pas aux pressions internationales, les militaires qui ont pris le pouvoir dans le pays ne rétabliront pas Mohamed Bazoum à la présidence du pays. C’est ce qu’a déclaré mercredi à la télévision nationale le chef du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, le général Abdourahmane Tchiani, proclamé chef de l’État par les rebelles.
Le Niger ne cédera pas aux pressions régionales et internationales pour rétablir le président Bazoum, a déclaré le général Tchiani cité par Reuters.
Tchiani a également noté que personne au Niger ne menaçait les citoyens français et qu’il n’y avait aucune raison de les évacuer. «Les Français n’ont aucune raison objective de quitter le Niger», selon l’Agence France Presse. «Les citoyens français n’ont jamais fait l’objet d’une quelconque menace au Niger.
La France a commencé à évacuer ses ressortissants du Niger le 1er août. Selon les autorités, 600 des 1200 Français inscrits à l’ambassade dans ce pays africain ont manifesté leur désir de rentrer chez eux. Leur exemple sera suivi par environ 800 ressortissants de Belgique, d’Allemagne, de Grèce, du Danemark, du Luxembourg et d’autres pays».
Le Niger n’est pas seul, du moins en termes de soutien rhétorique : la Guinée, le Mali et le Burkina Faso (également membres de la CEDEAO) avertissent que toute attaque contre le Niger sera considérée comme une attaque contre eux. Il sera intéressant de voir comment la Russie, la Chine et l’Inde se positionnent dans cette conflagration naissante.
La dépendance de l’Europe – et en particulier de la France – à l’égard de l’uranium nigérien oblige l’Occident à se défaire de son masque de défenseur acharné de la démocratie. Il ne s’agit pas de rétablir un régime démocratique au Niger (tout comme ce principe a été mis de côté lors du Maïdan en Ukraine en 2014). Il s’agit de contrôler une ressource économique essentielle dont la France et le reste de l’Europe ont besoin. Au diable la démocratie et les droits du peuple nigérien à contrôler ses ressources ; la France a l’intention d’affirmer son contrôle sur sa colonie de facto.
Ceux qui placent leurs espoirs dans la logique et la raison pour apaiser les tensions et trouver une solution diplomatique pourraient tout aussi bien espérer capturer un mastodonte trottant dans le désert nigérien. Cela n’arrivera pas. L’ancêtre poilu des éléphants a disparu depuis longtemps. Allons-nous assister à l’extinction de la capacité de la France à ordonner à ses serviteurs nigériens de rapporter l’uranium et de le faire vite ?
source : A Son of the New American Revolution
traduction Réseau International
Tensions extrêmes : Le Mali défie Macron après la menace de guerre au Niger
par Le Média en 4-4-2
La journée du 31 juillet 2023 a été historique pour l’Afrique. Nathalie Yamb explique pourquoi et répond à la question de savoir si l’on peut s’attendre à une intervention militaire étrangère au Niger.
Dans un contexte de crise politique au Niger suite au coup d’État, le colonel Abdoulaye Maïga, ministre d’État de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation du Mali, et porte-parole du gouvernement malien, a prononcé une déclaration historique sur les antennes de l’ORTM le 31 juillet 2023 à 20h. Cette déclaration exprime la solidarité du Burkina Faso et du Mali envers le peuple frère du Niger et dénonce les sanctions imposées par des organisations régionales. Le colonel Maïga a averti que toute intervention militaire contre le Niger serait considérée comme une déclaration de guerre contre le Burkina Faso et le Mali. Face à cette situation, il est urgent de comprendre les enjeux, les raisons de la crise et les possibles conséquences d’une intervention étrangère.
Contexte de la crise au Niger
Le Niger a été secoué par un coup d’État qui a suscité des réactions de la part de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) et de la communauté internationale. La CEDEAO a imposé des sanctions au Niger, notamment la fermeture des frontières, l’interdiction de survol, et le gel des avoirs de certaines personnalités impliquées dans le coup d’État.
Réactions du Burkina Faso et du Mali
Dans un geste de solidarité fraternelle, le gouvernement de transition du Burkina Faso et du Mali a exprimé son soutien au peuple nigérien dans sa prise de responsabilité pour affirmer sa souveraineté. Le colonel Maïga a clairement indiqué que le Burkina Faso et le Mali refusent d’appliquer les sanctions imposées par la CEDEAO, qu’ils considèrent comme illégales et inhumaines pour les populations.
Mise en garde contre une intervention militaire étrangère
Le colonel Maïga a prévenu que toute intervention militaire étrangère contre le Niger serait assimilée à une déclaration de guerre contre le Burkina Faso et le Mali. Il a également annoncé que face à une telle situation, les trois pays pourraient quitter la CEDEAO et prendre des mesures de légitime défense pour soutenir les forces armées et le peuple du Niger.
Implications géopolitiques et risques de déstabilisation régionale
Une intervention militaire étrangère au Niger pourrait déclencher une réaction en chaîne dans toute la région sahélienne et ouest-africaine. Le Mali et le Burkina Faso craignent que l’instabilité s’étende aux pays voisins tels que le Ghana, le Togo, le Bénin et le Nigéria, ce qui entraînerait des conséquences graves pour la stabilité régionale.
«Niamey de 2023 n’est pas Abidjan de 2004 ou Tripoli ou Benghazi en 2011. Toute intervention militaire étrangère au Niger aura des répercussions immédiates et intraitables sur tous les intérêts français au nord, au sud, à l’est et à l’ouest de l’Afrique. Ce n’est pas une menace, c’est une évidence». (Nathalie Yamb)
Néocolonialisme et quête d’indépendance de l’Afrique
Le discours du colonel Maïga pointe du doigt l’ingérence étrangère en Afrique et appelle les dirigeants africains à se libérer du néocolonialisme et de la dépendance vis-à-vis des puissances occidentales. Il appelle à une véritable unité et coopération entre les nations africaines pour construire un avenir indépendant et prospère pour le continent.
source : Le Média en 4-4-2
Une courte et percutante analyse du général (2S) Henri Roure.
Son titre : «France, Russie, Afrique et les autres».
Ce document se passe de commentaires.
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par le Général (2S) Henri Roure
Il n’est nul besoin de faire appel à des analystes chevronnés pour constater l’imbécillité de la politique étrangère française et donc de ses dirigeants. Le mot venu du latin se compose du préfixe négatif im, et du nom baculus, «bâton». L’imbécile est donc celui qui n’a pas d’intelligence pour soutenir sa démarche.
Nous suivons, sans réflexion, ou par soumission volontaire, en Europe en particulier, la politique agressive des États-Unis contre la Russie.
Je ne vais pas, une fois encore, faire l’historique de la prétention hégémonique de Washington, car en dehors des médias propagandistes, LCI, BFM, France-Inter et des chaînes grand-public, elle est maintenant de plus en plus contestée. Je me contenterai de rappeler quelques faits, sans remonter jusqu’à la dislocation de la Yougoslavie où avec nos voisins allemands et britanniques, nous nous sommes crus obligés de bombarder nos fidèles amis serbes.
Je rappellerai que les États-Unis, pays du dollar, du communautarisme, de la xénophobie et du mensonge, n’ont cessé depuis 1991 de provoquer la Russie. L’effondrement du régime communiste et du Pacte de Varsovie ne leur suffisait pas, il fallait profiter des circonstances créées par les Russes eux-mêmes, pour disloquer la Russie et établir dans les États fantoches, qui en auraient résulté, un protectorat états-unien. La Russie d’Europe, humiliée, aurait pu alors s’intégrer à une Europe déjà vassale.
D’où, bien sûr, la provocation en Ukraine et les bombardements et massacres de Russes et Russophones dans la Donbass. Moscou ne pouvait faire autrement qu’intervenir pour protéger les siens. Réflexe naturellement patriotique et action logique contre un pays qui, rappelons-le, doit son indépendance et ses frontières à la Russie.
La France, dans cette hypocrisie montée par les États-Unis, s’est engagée sans en envisager les conséquences. Il est vrai que les trois petits présidents qui se sont succédé sur le trône présidentiel depuis 2007 jusqu’à nos jours, n’ont jamais pris conscience de la réelle dimension de notre pays, ni de ses atouts de puissance. La couronne présidentielle était trop lourde pour eux.
Ralliés à l’OTAN, abandonnant notre souveraineté au profit d’une organisation internationale appendice de Washington, ces personnages étaient bien incapables de s’émanciper de la tutelle états-unienne. (de incapabilis : inapte à jouir d’un droit ou à l’exercer). Personnages hâbleurs mais falots au regard de l’histoire de la France, ils nous ont conduits à la déroute que nous connaissons.
Nous faisons désormais partie de ce groupe d’États minoritaires qui suivent aveuglément les objectifs périmés de Washington. Les États-Unis perdent pied partout. Leur vision géopolitique hégémonique a fini par révolter une majorité de peuples. «L’american way of life» et la «destinée manifeste» apparaissent aujourd’hui comme des outils de mauvaise propagande, voilant à peine une ambition démesurée de domination et un mépris pour les autres.
Dans leur déclin les États-Unis entraînent leurs alliés ou féaux. La France des trois petits présidents, aveuglée sur l’évolution du monde, subit naturellement son alignement sur Washington, son appui à l’Ukraine, pays failli, et son hostilité à la Russie.
Dans ce conflit indirect, mais réel, il est donc parfaitement normal que Moscou cherche les failles de ses adversaires. Ne nous penchons pas sur l’Allemagne qui connaît bien l’Europe de l’Est et saura le moment venu aisément rétablir des relations économiques fructueuses avec la Russie. Berlin et Moscou en sont conscients.
Ne nous attardons pas non plus sur le Royaume-Uni, dont l’intimité culturelle et politique avec les États-Unis, rend presque impossible une action hostile contre lui. Elle serait perçue comme une attaque contre les États-Unis. L’Espagne, l’Italie et les autres pays européens présentent une importance moindre dans cette guerre. Reste donc la France…
Elle est une puissance mondiale affaiblie par son ralliement à l’OTAN et son regard quasi exclusif vers une Europe supranationale. Elle semble ne plus faire grand cas de ses facteurs de puissance, dont ses trois derniers petits présidents, par déficit de patriotisme, récusent l’énorme intérêt. Les Russes, eux, en connaissent l’importance.
La France devenue hostile à la Russie – pourtant longtemps puissance amie – détenant des atouts notoires mais fragiles en Afrique, peut donc y être aisément bousculée. La géopolitique russe, héritière dans ce domaine de la conception soviétique, peut ainsi trouver une application immédiate en récupérant dans son orbite des pays riches de leurs sous-sols et en laissant se développer la menace islamiste contre la France et l’Europe.
Ne nous étonnons pas que la RCA, le Mali et d’autres, se tournent vers Moscou. Pour mémoire, rappelons que notre dissuasion nucléaire et la production de notre énergie électrique, dépendent largement de la mine d’uranium d’Arlit au Niger, territoire par ailleurs aux ressources pétrolières prometteuses. N’oublions pas non plus que le Mali regorge de cet or que les BRICS, et notamment la Russie, recherchent en se débarrassant de leurs dollars, ou encore que la RCA, apparemment pays parmi les plus pauvres, s’avère, en fait, un scandale géologique.
Les petits présidents n’ont pas compris que l’Afrique nous était essentielle et que la France n’avait pas d’amis, mais seulement des alliés jaloux et intéressés. Aucun de ces petits personnages n’avait d’ailleurs réagi quand le Gabon, le Togo, après le Cameroun ont rejoint le Commonwealth…
La France est apparue, fort justement, comme le maillon faible du prétendu «Occident» dans ce conflit ukrainien. Il n’est que le lieu brûlant de cette opposition mondiale entre une organisation du passé et des pays d’avenir.
Il est temps de réagir !