par RT France

Le militant panafricaniste a vivement réagi à la décision de LCP de renoncer à diffuser un entretien déjà enregistré, suite à des « discussions » avec des membres de la majorité présidentielle, qui l’ont estampillé « relais de la propagande russe ».

La décision de la chaîne parlementaire française (LCP) de déprogrammer une émission prévue le 12 mars dans laquelle apparaît le militant panafricaniste Kémi Seba a fait grand bruit, après que des membres de la majorité présidentielle, entre autres, l’ont accusé d’être un « relais de la propagande russe ». L’intéressé a dénoncé la « peur » ayant selon lui conduit à sa déprogrammation, promettant de diffuser lui-même l’entretien qui avait déjà été enregistré.

La déprogrammation fait suite, selon le message du média parlementaire, à des « discussions » avec le député Renaissance, Thomas Gassilloud, également président de la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, a annoncé la chaîne de service public sur Twitter. « J’ai simplement joué le rôle de lanceur d’alerte », a-t-il déclaré à l’AFP.

 

Kemi Seba publie l’interview

Kémi Seba, qui dénonce notamment le « néo-colonialisme » des puissances occidentales en Afrique et en particulier celui de la France, avait ainsi été interviewé par Yves Thréard dans l’émission « Les Grands entretiens », un magazine d’une demi-heure qui devait être diffusé en fin de soirée. Mais, pour Thomas Gassilloud, le problème est que Kemi Seba « n’est pas un simple militant politique » mais un « relais de la propagande russe », qui servirait ainsi « une puissance étrangère qui alimente le sentiment anti-français ».

Le président de l’ONG Urgences panafricanistes a lui promis de rendre public l’entretien. « L’émission est sur mon disque dur, elle paraîtra demain », a-t-il affirmé sur Twitter. « Quand le chef d’AQMI est interviewé par France 24, ça ne vous dérange pas chers colons ? », a-t-il lancé. « Quand [Eric] Zemmour est invité partout pour cracher sa haine des Noirs et des arabes ça ne vous dérange pas non plus ? Mais quand je parle dans vos médias, c’est la fin des temps ? Vous avez peur », a-t-il également lancé sur le même réseau social.

 

Le 13 mars, il a tenu parole, relayant sur son compte Twitter la vidéo, postée sur Telegram.

Plusieurs personnalités applaudissent la censure

La programmation de Kémi Seba sur LCP avait suscité l’indignation d’une série de journalistes et de personnalités politiques, dont l’eurodéputée macroniste Nathalie Loiseau – entre autres connue pour ses positions en faveur de la censure de RT France.

« Antisémite, pro-russe, raciste, on se demande vraiment où LCP va chercher ses invités », avait-t-elle énuméré sur Twitter, jugeant ce choix de l’invité « ahurissant ». Après avoir salué le recul de la chaîne, l’élue a indiqué dans un autre message que LCP aurait dû se poser « la question de l’utilité d’accorder un temps d’antenne à un adversaire déclaré de la France, mais aussi de la liberté d’expression ».

« Condamné plusieurs fois pour incitation à la haine raciale, suprémaciste noir et antisémite Kémi Seba est désormais financé par la Russie pour répandre le sentiment antifrançais en Afrique », avait quant à lui estimé le député écologiste Aurélien Taché, voyant dans l’invitation du militant une chaîne publique « une faute grave ». Il a pareillement salué la décision de déprogrammer l’entretien, qui aurait donné la parole à « un ennemi de l’amitié entre les peuples ».

 

Adversaire virulent du « néo-colonialisme » qui caractériserait selon lui la politique française en Afrique, Kémi Seba milite pour l’émancipation monétaire des pays qui utilisent encore le franc CFA et, de manière générale, pour la souveraineté du continent. Celle-ci est mise à mal, selon lui, par des dirigeants qui ne seraient que des « marionnettes » de l’Occident. Invité à Moscou en octobre 2022 à l’occasion d’un forum Russie-Afrique, il a plaidé pour la conclusion d’un partenariat « sincère » entre l’Afrique et la Russie, estimant que les deux ensembles gagneraient à s’unir face à un bloc « globaliste néolibéral, économique et sociétal » emmené par l’Occident « dégénéré », qui « veut imposer son schéma de société au reste de l’humanité ».

Cette polémique intervient sur fond de recul ininterrompu de l’influence française en Afrique, Emmanuel Macron y ayant récemment effectué, pour tenter de remédier à cette dégradation, une tournée qui a connu des ratés remarqués.

source : RT France



« Mon problème, c’est l’élite » : Que retenir de l’interview censurée de Kémi Seba sur LCP ?

par RT France

Le militant africain a publié la vidéo de son entretien qu’a choisi de ne pas diffuser LCP. Viscéralement attaché à la souveraineté des pays africains, il y critique des élites africaines « mafieuses » et précise sa vision des relations avec la Russie.

L’interview de Kémi Seba avec le journaliste Yves Thréard, que la chaîne parlementaire LCP a décidé de ne pas diffuser, a été mise en ligne sur YouTube ce 13 mars, le militant y précisant ses vues, en particulier par rapport à la France et à ses relations controversées avec Moscou.

« Le prolétariat français n’est pas mon adversaire »

Réfutant nourrir une « haine » à l’égard de la France, le président de l’ONG Urgences panafricanistes a préféré mettre en avant une « volonté de justice », de « souveraineté » et d’« autodétermination », réitérant son souhait de voir le « néocolonialisme » disparaître pour de bon du continent africain. Reprenant une thèse déjà exposée à plusieurs reprises, il a avancé que la première phase de décolonisation, dans les années 1960, n’était « malheureusement pas parvenue à son terme », malgré les tentatives de dirigeants tels que Thomas Sankara au Burkina Faso.

« Si vous avez l’armée américaine qui vient à Paris et qui squatte la Tour Eiffel […], je pense que vous ne serez pas contents », a-t-il imagé à propos de la présence militaire française en Afrique, jugeant nécessaire le départ des troupes de l’Hexagone. « Ce qui est valable pour vous l’est aussi pour nous », a estimé Kémi Seba. Quant aux réformes du franc CFAinitiées par Emmanuel Macron, le militant les a jugées purement « cosmétiques », même s’il a reconnu que les mobilisations sur cet enjeu de la dépendance monétaire avaient permis d’amorcer un changement.

« Le prolétariat français n’est pas mon adversaire, mon problème, ce sont les élites néolibérales », a souligné Kémi Seba, qui n’attribue pas tous les malheurs du continent à l’héritage colonial français. Il a ainsi attaqué sévèrement les dirigeants d’Afrique francophone, qualifiés de « mafieux », habitués à détourner les fonds publics et à mener des vies de rêve, évoquant entre autres Patrice Talon pour le Bénin ou Alassane Ouattara pour la Côte d’Ivoire.

« Il y plein de choses qui ne m’intéressent pas en Russie »

Interrogé par Yves Thréard sur ses voyages réguliers à Moscou et en Turquie, Kémi Seba s’est étonné des réactions suscitées par ses déplacements et discussions, alors que la France avait de multiples échanges et contrats avec la Russie avant le conflit ukrainien. « Pourquoi quand les Africains […] font de la géopolitique, ça devient tout de suite une volonté de changer de maître ? », a-t-il interrogé.

Il a d’ailleurs précisé ne pas avoir échangé récemment avec le patron de la société militaire privée Wagner, Evguéni Prigojine, expliquant qu’il importe, en termes de tactique, de savoir « tisser des liens » avec des acteurs capables de faire « contrepoids » à un ennemi plus puissant. « Ça ne veut pas dire qu’ils sont vos patrons, et ils ne le seront jamais », a-t-il insisté en évoquant ces liens, incluant donc ceux avec la Russie.

Kémi Seba s’est d’ailleurs dit peu concerné par le conflit ukrainien, qu’il a qualifié sur un ton amusé de « guerre interethnique entre la Russie et les cousins européens », reprenant une formule souvent appliquée à l’Afrique. « Il y plein de choses qui ne m’intéressent pas en Russie », a-t-il poursuivi, évoquant aussi le « racisme » qui y existe. « La Russie, moi ce qui m’intéresse, c’est la manière dont elle dérange l’Occident », a-t-il expliqué. « Je suis plus proche de Cuba ou de l’Iran que de la Russie ou de la Turquie », a-t-il ajouté, notant que cette proximité était rarement mise en avant.

Kémi Seba a néanmoins affiché une affinité idéologique avec Moscou, plus précisément avec Alexandre Douguine dont la fille est décédée dans un attentat près de la capitale russe. « Nous ne sommes pas d’accord sur tout », a-t-il précisé, qualifiant cependant l’intellectuel eurasiste de « camarade » avec qui il partage « la même détestation du néolibéralisme et du progressisme dégénéré » promus, selon lui, par l’Occident.

Quant à l’inquiétante progression des forces djihadistes, en particulier au Sahel, le panafricaniste a rappelé le rôle de l’Occident dans la déstabilisation de la région avec le renversement de Mouammar Kadhafi en Libye. « Cet islamisme ne passera pas », a-t-il assuré, tout en affirmant que « les créateurs de ce Frankenstein sont plus du côté de Paris et de Washington que […] de Ouagadougou ou de Bamako ».

Bientôt une candidature à la présidentielle au Bénin ?

Interrogé sur un éventuel engagement direct en politique au Bénin, Kémi Seba a indiqué que cette perspective était « du domaine du possible » mais rappelé que le processus électoral y était « vicié ». « La quasi-totalité des opposants sont soient en prison, soit en exil », a-t-il déploré, soulignant que les candidats autorisés sont soigneusement sélectionnés par le pouvoir.

« Est-ce que vous êtes à l’Afrique, ou au Bénin, ce que Zemmour est à la France ? », lui a ensuite demandé Yves Thréard. Le militant a répondu qu’il ne considérait pas le polémiste de droite radicale comme un modèle, jugeant que Eric Zemmour « ne s’attaque pas aux réelles causes, mais aux conséquences ». Il se tromperait ainsi en se focalisant sur l’immigration sans s’interroger sur ses origines profondes, notamment les « pillages économiques » qui impliquent des dirigeants proches idéologiquement du polémiste tels que Vincent Bolloré. « Moi, mon problème c’est l’élite », a-t-il à l’inverse réaffirmé.

En conclusion, Kémi Seba affiche son optimisme, affirmant « qu’une fièvre est en train de monter » sur l’ensemble du continent africain, au service d’une « volonté de changement ».

source : RT France