P-au-P., 23 février 2024 [AlterPresse] ---

Le riz exporté vers Haïti – principalement depuis les États-Unis d’Amérique – contient des niveaux malsains d’arsenic et de cadmium [1], qui peuvent augmenter le risque de divers cancers, maladies cardiaques, diabète et autres maladies, selon les résultats d’une étude réalisée par des chercheuses et chercheurs de l’Université du Michigan (Um) aux États-Unis d’Amérique, en partenariat avec l’Organisation communautaire pour l’agriculture haïtienne, dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.

« Le riz exporté vers Haïti depuis les États-Unis (et d’autres pays) contient deux fois plus d’arsenic que le riz cultivé localement. Une autre raison importante de plaider et de soutenir la production alimentaire locale durable en Haïti »...

Cette étude est la première à comparer la quantité de métaux lourds dans le riz local par rapport au riz exporté par des pays étrangers, affirment les chercheuses et chercheurs de l’Université de Michigan.

L’étude sur le riz haïtien souligne la nécessité de recherches plus approfondies pour évaluer les niveaux d’arsenic, présents dans le corps des consommatrices et consommateurs haïtiens, et la probabilité d’effets néfastes sur la santé, liés à une exposition chronique à l’arsenic.

Elle conseille au gouvernement de facto, aux citoyennes et citoyens d’Haïti de faire davantage pour soutenir les agricultrices et agriculteurs haïtiens, et le secteur agricole national, pour permettre aux consommatrices et consommateurs haïtiens d’avoir accès à des aliments sûrs cultivés localement et à une alimentation saine et diversifiée.

Elle lance un appel à une enquête éthique sur les sociétés rizicoles aux États-Unis et dans d’autres pays, qui exportent des aliments contenant des niveaux élevés d’arsenic vers Haïti et d’autres pays à revenu faible ou intermédiaire.

La recherche mentionne aussi « le besoin urgent de renforcer l’efficacité des réglementations et des interventions en matière de sécurité alimentaire au sein du gouvernement haïtien, y compris l’accès aux instruments, qui quantifient les niveaux d’arsenic et de cadmium dans le riz consommé par la population ».

Concurrence déloyale

Les chercheuses et chercheurs de l’Université de Michigan exhortent les décideurs politiques et autres, en particulier aux États-Unis, à mettre à jour un système commercial, qui nuit aux Haïtiennes et Haïtiens, aux citoyennes et citoyens d’autres grands pays consommateurs de riz, en permettant au riz étranger d’inonder les marchés nationaux et locaux.

Une loi agricole aux États-Unis expirera en septembre 2024.

« Les agricultrices et agriculteurs haïtiens cultivent une large gamme de produits sains, mais ont du mal à rivaliser avec le riz importé bon marché sur les marchés », considère Jackie Goodrich, professeure agrégée de recherche en sciences de la santé environnementale à l’École de santé publique de l’Universite de Michigan (in the Department of environmental health sciences at the University of Michigan school of public health).

« Ce système perpétue la pauvreté et les difficultés des rizicultrices et riziculteurs haïtiens, ainsi que de millions d’autres personnes dans les pays qui reçoivent des importations étrangères moins chères », a renchéri V. Koski-Karell de l’Université de Washington.

Avec ces 12 millions d’habitantes et d’habitants, Haïti constitue le deuxième marché d’exportation du riz américain.

L’étude a débuté lorsque le premier auteur, V. Koski-Karell, menait une thèse en Haïti.

Ce chercheur a eu connaissance de rapports, faisant état de maladies gastro-intestinales chez les résidentes et résidents locaux, après avoir mangé du riz étranger. Les métaux lourds en seraient la cause présumée.

Connaissant les risques sanitaires à long terme, une collaboration de recherche a commencé avec des agricultrices et agriculteurs ruraux haïtiens, pour collecter des échantillons et mesurer l’arsenic et le cadmium dans le riz local et le riz provenant de pays étrangers.

Leurs tests ont montré combien les concentrations médianes d’arsenic et de cadmium étaient près de deux fois plus élevées dans le riz importé que dans le riz local.

De plus, tous les échantillons de riz cultivé en Haïti présentaient des niveaux d’arsenic, inférieurs aux limites internationales recommandées pour protéger la santé humaine, alors que certains échantillons de riz importés dépassaient ces niveaux.

« Les adultes de poids variable, consommant trois tasses ou plus de riz importé par jour, dépasseraient un niveau de risque minimum quotidien de toxicité. Selon de récentes estimations des Nations Unies, les Haïtiennes et Haïtiens consomment en moyenne 2,9 tasses de riz par jour », selon l’étude.

Elle signale aussi combien la plupart des jeunes enfants, consommant une ou plusieurs tasses de riz local ou importé par jour, dépasseraient une limite d’apport en arsenic, basée sur des critères de santé.

L’étude faisant état de risque élevé de cancers et d’autres maladies, lié au riz américain exporté vers Haïti, a été publiée plus tôt ce mois-ci (21 février 2024) dans le Journal of agriculture, food systems and community development.

« Des études, réalisées par d’autres chercheuses et chercheurs au fil des années, sur le (niveau de) riz consommé par les citoyennes et citoyens américains, font état de quantités variables d’arsenic, dont certaines dépasseraient les limites recommandées pour la santé », insistent les chercheuses et chercheurs de l’Université du Michigan.

Depuis les années 1980, les gouvernements qui se sont succédé ont favorisé une importation de plus en plus importante de riz étranger, dont en provenance des États-Unis, dans le cadre d’une politique ultra-néolibérale du marché national au détriment de la production agricole nationale. [emb rc apr 23/02/2024 14:30]

Photo : Site de l’Université du Michigan (Um)


[1L’arsenic est un composant naturel de la croûte terrestre et est largement présent dans l’environnement, que ce soit dans l’air, dans l’eau ou dans la terre. Il est très toxique sous forme inorganique, selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms). Classé comme cancérogène pour les êtres humains, le cadmium (métal blanc-bleuâtre, mou et très malléable) exerce des effets toxiques sur les reins ainsi que sur les systèmes squelettique et respiratoire. Il est généralement présent dans l’environnement à de faibles niveaux. Il est obtenu industriellement comme sous-produit de la métallurgie du zinc, mais est aussi présent dans des minerais de plomb et de cuivre.