Depuis deux mois, le Kenya est secoué par de fortes turbulences. Avec une dette de plus de 76 milliards de dollars, le Kenya est sous le coup des exigences du FMI, qui a exigé de profondes réformes économiques que s’est empressé d’appliquer le président Ruto. Parmi elles, la mise en place de multiples taxes sur les produits de première nécessité. Mesures considérées par l’institution financière internationale comme ayant des conséquences sociales de « risque moyen ». Grave

erreur !

De #RejectFinanceBill2024…

La loi de finances de 2024 prévoyait des impôts sur des produits consommés par les classes moyennes et pauvres. Le pain était taxé de 16 %, idem pour les transferts d’argent par téléphone mobile qui touchent surtout des populations avec un faible taux de bancarisation, les voitures de 2,5 %, d’autres produits étaient visés comme l’huile de cuisson, les serviettes hygiéniques, les opérations de change, etc.

Ces taxes punitives, comme les ont nommées les KenyanNEs, dégradaient fortement une situation sociale déjà très précaire. À travers le pays, des jeunes par centaines de milliers sont descenduEs dans la rue allant jusqu’à occuper le Parlement, obligeant les députéEs à fuir par un souterrain.

La réponse du gouvernement de Ruto fut une féroce répression faisant 41 morts, des blessés par dizaines et des centaines de personnes enlevées par les forces de sécurité. Certaines ont été retrouvées mortes portant des traces de torture.

Mais la mobilisation fut telle que le projet de loi de finances 2024 fut retiré, puis le directeur de la police a dû démissionner. Enfin, c’est l’ensemble de son gouvernement que Ruto a limogé.

… à #RutoMustGo

Cependant rien n’y fait. La mobilisation contre les augmentations des impôts s’est mutée en mobilisation antigouvernementale. Plusieurs raisons expliquent cette évolution. Ruto s’est fait élire sur un programme populiste contre les dynasties des riches et en prétendant satisfaire le peuple de la rue comme les « boda boda », conducteurs de motos, ou les « mama mboga », les petits vendeurs d’épicerie. Pour ceux qui connaissent le parcours de cet homme politique, tout indiquait qu’il s’agissait de démagogie. En effet, Ruto a commencé sa carrière politique en soutenant le dictateur Daniel Arap Moi en étant responsable des « Youth for Kanu ‘92 » (la Kanu étant le parti présidentiel). C’est à cette occasion qu’il s’est enrichi. Le reste de son parcours politique n’a été qu’engagements non tenus et discours démagogiques. Alors qu’il promettait de défendre les pauvres, sa politique est exactement le contraire.

Sa dernière carte est de constituer un gouvernement d’unité nationale dans le but d’agréger les élites du pays pour sauver un système corrompu.

La jeunesse a très bien compris que, même si le projet de finances 2024 était retiré, d’autres mesures toutes aussi antisociales allaient être imposées. En d’autres termes, il n’y a rien à attendre de ce gouvernement comme des autres politiciens pour régler les problèmes du pays.

Ce n’est pas qu’un fossé générationnel entre cette la jeunesse et l’élite dirigeante. C’est avant tout un fossé politique.

La génération Z dans la lutte

Cette mobilisation s’est structurée à travers les réseaux sociaux. Elle n’avait ni structure ni dirigeant, ce qui a été une de ses forces car empêchant les autorités de réprimer les leaders comme elles ont coutume de le faire. La force de ce mouvement est aussi la démocratie : dans les espaces de discussion virtuels, chacun pouvait avancer sa vision sur la conduite de la mobilisation.

Alors que la lutte continue et que la question du pouvoir se pose concrètement à travers la revendication de la démission de Ruto, des propositions alternatives doivent voir le jour. Le rôle des organisations de gauche est des réseaux militants au Kenya est important pour faire la jonction avec les syndicats de salariéEs et pour proposer des mesures immédiates répondants aux aspirations des populations. Un enjeu qui s’avère décisif pour les prochaines semaines.