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Simplicius le penseur répond régulièrement aux questions de ses abonnés. J’ai traduit la question 40 qui porte sur l’impact économique de la création des BRICS et de la guerre en Ukraine sur l’Occident et notamment les États-Unis.

Dominique Muselet

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par Simplicius the Thinker 

Question 40

Pour moi, il s’agit d’une guerre économique et bancaire dans laquelle le Sud, les nations musulmanes, la Russie et la Chine tentent d’obtenir leur juste part en augmentant les prix de leurs ressources et en vendant leurs dollars à découvert, ce qui provoque une inflation qui entraînera une hausse des taux d’intérêt et l’éventuel effondrement de la valeur des actifs à mesure que la faillite de la nation américaine se précise. En d’autres termes, nous ne bénéficierons pas de la sécurité sociale, ni d’aucun des autres avantages de l’hégémonie. Ce sont toutes des guerres de banquiers. Mme Yellen (Réserve fédérale) a annoncé qu’on ne pouvait pas laisser la Russie gagner la guerre en Ukraine. C’est probablement vrai. Regardez ce que cela ferait au dollar et à la société américaine. Le général (le chef d’état-major ukrainien, Valeri Zaloujny, ndt) prend le pouvoir, Z s’en va, il y a un nouveau chef, mais la guerre continue. Je m’attends à une longue guerre défensive et à davantage de problèmes au Moyen-Orient. J’ai entendu dire quelque part que la Turquie payait des taux d’intérêt de 40% parce que les banques occidentales retiraient leur argent  de Turquie ? L’argent, l’argent, qui a l’argent ? Tout cela me déprime ! Dites-moi que je me trompe.

Et une autre question connexe :

Il semble que les États-Unis se soient engagés sur trop de fronts entre la Russie et le Moyen-Orient. Et ils veulent également pivoter vers la Chine.

La Russie et la Chine devraient-elles devenir plus proactives et ouvrir de multiples fronts pour obliger l’empire à s’engager encore davantage ?

Ou se contenter d’attendre l’effondrement de la confiance dans le gouvernement américain, qui pourrait se produire en novembre de l’année prochaine ?

Je ne suis pas sûr que tout ce que dont vous avez parlé soit volontairement coordonné, mais cela semble assez plausible, en ce qui concerne les pays du Sud et leurs motivations.

Je ne pense pas qu’ils vendent le dollar à découvert pour spéculer, il me semble plutôt qu’ils essaient de s’en débarrasser purement et simplement, une bonne fois pour toutes. Des rapports récents – non corroborés – ont par exemple affirmé que les Émirats arabes unis, qui sont désormais une nation officielle des BRICS, veulent renoncer au dollar dans le commerce du pétrole.

L’évolution générale que vous décrivez est cependant exacte. Il est certain que les États-Unis et l’Occident vont continuer à s’appauvrir. De nombreuses personnes ont récemment souligné le fait qu’Israël, que les États-Unis financent presque entièrement, bénéficie d’un excellent système de santé gratuit. En substance, les Américains paient pour les très bons soins de santé des Israéliens, en sacrifiant les leurs.

Mais que ces pays spéculent ou qu’ils se débarrassent simplement du dollar et des bons du Trésor américains, le résultat est le même, et c’est ce que vous avez décrit. La Réserve fédérale est contrainte de prendre des mesures de plus en plus extrêmes pour garder le système à flot, ce qui provoque une inflation massive. La Fed est maintenant officiellement insolvable car elle fonctionne techniquement à perte, d’autant qu’elle ne génère même plus les bénéfices que le Trésor engrangeait auparavant.

D’après ce que je comprends, il se forme une sorte de boucle de rétroaction négative, de cercle vicieux, du fait que le Sud mondial se débarrasse lentement des bons du Trésor américains. Comme personne d’autre ne veut de ces bons du Trésor, la Fed doit en racheter davantage pour financer la dette publique et en même temps, elle doit augmenter les taux d’intérêt pour essayer d’attirer les acheteurs étrangers. Du coup, le service de la dette coûte beaucoup plus cher au gouvernement américain, ce qui fait qu’il a moins d’argent à sa disposition, et qu’il doit emprunter encore plus. Mais comme le gouvernement augmente l’offre de bons du Trésor sans qu’il y ait la demande correspondante, il faut encore augmenter les taux d’intérêt, ce qui accélère ce cycle infernal.

Pour la première fois de son existence, la Fed fonctionne à perte, c’est-à-dire qu’elle est obligée de dépenser plus d’argent qu’elle n’en touche.

À bien des égards, cet aspect de la situation est volontairement coordonné par le Sud, sous l’égide de la Russie et de la Chine. En effet, des années de politiques monétaires américaines abusives et d’intimidation économique, par le biais de sanctions tous azimut, etc. ont forcé ces pays à se dédollariser, afin de simplement protéger leurs propres économies contre les décideurs politiques américains extrêmement capricieux et imprévisibles.

C’est l’une des principales raisons pour lesquelles Yellen a annoncé que «la Russie ne peut pas gagner la guerre». Ils doivent détruire la Russie à tout prix parce qu’elle a pris l’initiative de s’attaquer à l’hégémonie financière de l’Occident sur le monde. Tout ce qui se passe actuellement dans le monde a à voir avec l’élite bancaire occidentale qui contrôle le monde et qui lutte désespérément pour maintenir son hégémonie financière et économique. Je parle des grands financiers qui se sont réunis en secret sur l’île de Jekyll en 1913, et de leurs nombreux descendants et associés.

Aujourd’hui, le bloc dirigé par la Russie semble coordonner une vaste opération pour défier les États-Unis sur tous les fronts. Le Venezuela a même ouvert un front sur l’Essequibo, et des rapports affirment déjà que les États-Unis pourraient être amenés à déplacer diverses forces dans la région. Il y a aussi Taïwan, l’Ukraine, le défi que pose l’Iran aux États-Unis dans tout le Moyen-Orient par le biais de sa multitude de groupes affiliés, y compris la situation israélienne ; les États-Unis sont engagés sur plus de fronts que jamais auparavant. Il est douteux que cela soit totalement accidentel ou fortuit, et cela entre donc dans le cadre de la deuxième question sur l’engagement excessif des États-Unis.

Je pense que la Russie et la Chine sont toutes deux très actives dans l’«ouverture de nouveaux fronts» contre l’empire atlantiste en Afrique également, ce qui pose des problèmes majeurs. Je ne suis pas sûr qu’ils puissent faire beaucoup plus que ce qu’ils ont déjà fait. Le seul dernier «gros morceau», je suppose, c’est la Chine et sa détermination à garder Taïwan. Elle ne voit probablement pas encore la nécessité d’agir, mais cela pourrait très bien se produire dans les deux ou trois prochaines années.

Je pense que c’est dans la sphère économique que la Russie et la Chine font actuellement le plus de dégâts. En encourageant la dédollarisation et l’expansion des BRICS, elles montrent au monde qu’il existe une voie nouvelle qui ne passe pas par l’asservissement financier occidental au FMI et à toutes les impitoyables mafias bancaires de l’Occident.